dimanche 13 mars 2011

soupçonnez l’architecture (1991)

« Soupçonnez l’architecture ». C’était le début du texte un peu flou que j’ai rendu avec mon projet de diplôme de fin d’études en printemps 1991. A vrai dire, au départ, je me suis cru architecte. Je voulais, vraiment, sincèrement, croire en architecture, devenir architecte. Bien que ce fussent bien d’années avant que j’ai eu l’occasion de découvrir avec stupéfaction la photo de Mitterrand à l’oreille de Pétain, je commençais déjà soupçonner ses idées architecturales de grandeur, ouverture et transparence, si présentes pendant mes années d’études. De retour en Israël en 1993, la pratique architecturale chez Avraham Yasky (héro de mon deuxième livre) et un peu à mon compte, aussi bien que d’autres découvertes que j’ai fait (comme par exemple, qu’en fait, la ville blanche n’était pas vraiment blanche), mes soupçons ne sont pas apaisés, au contraire: A part de son rôle habituel d’habiller l’immobilier, en Israël l’architecture est la continuation de la guerre par d’autres moyens ; L’évidence de l’injustice qui façonne le territoire, et de la violence et la corruption de l’architecture qui l’orne m’était incontournable (et d’ailleurs, il me semble que ça devient comme ça partout ; en Israël ce n’est que plus visible). Très vite je me suis trouvé dans une position justicière, voire même parfois justiciante, ma pratique professionnelle devenue action sociale, politique et polémique s’est confinée dans un espace de plus en plus réduit - par la ligne verte (CJ), la ligne pourpre (Golan) et plein d’autres lignes rouges. Et à partir de fin 2000, quand j’ai (in)achevé en plein seconde Intifada ma maison au sud de Tel Aviv, pratiquer cette technique-même de la séparation pour le compte de ceux qui peuvent se le payer m’était devenu aussi difficile que pour un végétarien travailler à l’abattoir.
Heureusement, j’aime bien écrire, et publier. Je suis tout à fait d’accord avec Hugo: Le livre tuera l’édifice. J’aime bien faire l’archi, mais une bonne histoire peut bien valoir une belle maison, voir même changer toute une ville (du moins à Tel Aviv qui est peut-être la seule ville au monde appelé d’après un roman) sinon le monde.